dimanche 8 mai 2011

Repost : Le Général Canal ...

Je continue de me replonger dans les posts de Mème Pas Mal ! publiés à l'époque de Bande De Noobs. «Le Général Canal ...», que je viens de republier depuis les archives, pince une corde particulière. Je l'avais écrit au moment de la sortie de la seconde extension de World of Warcraft, La Colère du Roi-Liche (alias WotLK) qui était peut-être la dernière dans son genre. Mais nous ne le savions pas encore.


 Les MMORPG sont des jeux dotés d'un cycle de vie particulier. Là où d'autres catégories de jeux se voient ajouter des suites en tant qu'entités techniquement complètement distinctes qui ne partagent qu'une parenté thématique (y compris les RPG, comme Final Fantasy ou Mass Effect), le MMO mûrit davantage par agglomération. Les développeurs modifient le code existant, ajoutent de nouvelles fonctionnalité, de nouvelles zones, de nouvelles missions, mais la rétrocompabilité est toujours assurée. Du point du vue du joueur, c'est toujours la même application qu'on lance.
D'une certaine façon, cela induit un certain "confort", loin des disparités de gameplay que l'on trouve communément entre les différents épisodes d'autres jeux (là encore, les séries FF et Mass Effect fournissent des exemples tangibles). Fin 2004, lors la sortie de WoW, les joueurs se sont laissé persuader d'un pas de sortie des extensions futures d'environ un an. Les faits viendront contredire ces espoirs, Burning Crusade, le premier ajout, ne sortant que début 2007, suivi par le Roi-Liche, fin 2008.

Poursuivant peu ou prou sur le même rythme, Cataclysme est mis en vente fin 2010. Toutefois ses apports seront notablement différents de ceux des extensions précédentes. A cet instant, WoW existe commercialement depuis six ans, un bel âge quoique relativement courant pour un MMO à succès; EVE Online, par exemple, vient de franchir le cap des huit ans. Cataclysme accueille des joueurs qui ont atteint le niveau 60 dans le WoW originel, 70 dans BC, puis 80 dans WotLK. C'est dire si, au fil des suites, la route jusqu'au niveau ultime est devenue longue. Aussi Cataclysme n'emmènera plus les joueurs qu'au niveau 85 au maximum.
Autre différence par rapport au modèle qui se contentait d'empiler x nouveaux niveaux (avec les quêtes et donjons associés) par-dessus les anciens, Cataclysme le bien-nommé remanie complètement l'agencement des territoires du niveau 1 à 60. Géographiquement, certaines anciennes régions deviennent méconnaissables, les suites de quêtes usées jusqu'à la corde par 6 ans de rerolls sont rénovées. Le but paraît transparent, il s'agit déjà par ce biais ne pas trop décourager les anciens joueurs de tenter de recréer de nouveaux persos, ne serait-ce qu'avec les deux nouvelles races implémentées dans l'extension. Ceci est un précédent incroyable, mais qui présente pour le rerolliste compulsif un attrait indéniable.
Il faut aussi compter avec un autre aspect démographique du MMO, qui est la "gestion" des nouveaux abonnés. Avec une population de plusieurs millions de personnes, on peut tabler sur un turnover sans doute conséquent; des joueurs résilient leur compte, mais dans le même temps d'autres arrivent, parfois en suivant des amis pratiquant déjà le jeu. Cataclysme apporte une batterie d'aménagements pour ceux-ci : pour la toute première fois dans l'histoire de WoW, le gameplay lui-même est refondu. La mécanique basique reste intacte, bien entendu, mais des pans entiers de la gestion des gains d'expérience sont purement et simplement abattus. Là où on découvrait jadis un système labyrinthique d'aptitudes et de talents interconnectés, on trouve un chemin soigneusement balisé, ce qui soulève nombre de discussions parmi les vétérans : n'est-on pas allé trop loin dans la simplification ?

De l'avis même de Blizzard, World of Warcraft est un jeu sur lequel les concepteurs ont parfois appliqué des concepts qu'ils apprenaient eux-mêmes à manipuler à l'époque. Qu'une part des développeurs viennent du jeu de rôle canonique ou de MMO réputés tels qu'Everquest n'a pas toujours suffit à aplanir les difficultés. Il en a résulté l'adoption de certaines options tout-à-fait bénéfiques, celles qui font souvent dire que Blizzard s'est "contenté" de peaufiner à l'extrême des mécanismes de jeu pré-existants. Il en a aussi résulté certains tics notables, certains aspects dont on a pu maintes fois se dire qu'ils étaient perfectibles. L'agencement des quêtes est de ceux-ci, qui s'est souvent traduit par des successions aberrantes d'aller-retour entre des régions éloignées d'Azeroth.
Cette gestion maladroite fait partie des aspects passés à la trappe avec Cataclysme. Les quêtes sont désormais regroupées dans un ordre géographiquement et chronologiquement cohérent. Mais ! encore mieux (voire même trop, selon certains, dont je suis), les objectifs de quêtes sont maintenant directement matérialisés sur les cartes accessibles dans le jeu. Toute la phase d'immersion, si artificielle soit-elle, qui consistait à lire et comprendre l'énoncé de la quête à la recherche d'indices est maintenant remplacée par une course directe vers le point d'interrogation indiqué sur la carte. Génération GPS !

En cela, Blizzard n'a, une nouvelle fois, rien inventé de fondamental. Il faut savoir qu'en laissant des développeurs-tiers greffer leurs applications personnalisées (add-ons) sur l'interface de jeu de WoW, Blizzard sonde dans le même temps les désirs des joueurs. On a souvent vu une fonctionnalité apportée dans un premier temps par un add-on être intégrée dans une mise à jour ultérieure du jeu lui-même : le calendrier, le gestionnaire d'équipement, l'indicateur de menace, etc., etc. D'une manière générale, l'add-on reste souvent plus souple que son reflet implémenté à posteriori dans le jeu, sans doute par économie de moyens de la part de Blizzard. Mais le fait est que de nombreuses fonctions ont ainsi été informellement testées via l'ouverture (raisonnable) consentie par Blizzard aux joueurs-auteurs d'add-ons.
La désignation explicite des objectifs de quête apportée par Cataclysme s'inspire en grande partie du célèbre add-on Questhelper, un bout de code dont j'ai pour ma part toujours tenu à me tenir le plus possible à l'écart.

Questhelper était justement l'objet de mon post "Le Général Canal...". A la parution d'une nouvelle extension, les bases de données des add-ons d'aide de cette sorte n'était naturellement plus à jour. Cela laissait nombre de joueurs dépendants de cette béquille complètement désemparés, occasionnant un encombrement incroyable du canal de discussion général par des questions désespérées. Les clés, comme toujours, étaient pourtant contenues dans l'énoncé des quêtes, ou tout au plus au bout d'une petite recherche sur le terrain.
La sortie de WotLK était finalement la dernière occasion de se rendre compte que nombre d'Azerothiens jouaient davantage à Questhelper qu'à World of Warcraft. Cataclysme, d'une certaine façon, donnera Questhelper à tout le monde, standardisant à outrance la phase de levelling.

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